• Couleurs

    Il était une fois un monde monochrome, tout de nuances grisées. La légende racontait qu'autrefois les couleurs vivaient dans ce monde, mais que, déçues par les rudes manières de ses habitants, elles choisirent, dépitées, de l'abandonner. Et ce monde dût suivre son cours, portant tristement son terne fardeau. Et dans ce monde vivait un chevalier. Enveloppé de sa robe de bure noire, il chevauchait inlassablement son noir destrier à la recherche des couleurs.

    Dès son plus jeune âge, le chevalier n'avait eu de cesse de tourmenter tout les gens qu'il croisait avec des questions sur les couleurs. Mais poser des questions sur une chose que personne n'avait jamais vu ne lui avait apporté que moqueries et mises à l'écart. Car couleurs ou pas, le monde suivait son cours, portant tristement son terne fardeau, et il n'avait nul besoin qu'il en soit autrement. Les gens n'aimaient pas qu'on les distrait avec une telle perte de temps.

    C'est pourquoi, dès qu'il fût assez robuste, le chevalier, conscient qu'il ne trouverait pas de réponse chez ses pairs, décida de partir en quête des couleurs. Il alla voir tailleur, cordonnier, forgeron et marchand de chevaux avec toutes ses économies, et s'équipa des pieds à la tête de noir. Car tant qu'il n'aurait pas trouvé les couleurs, il lui importait de ne pas jouer le jeu des tristes nuances de ce monde qui portait tristement son terne fardeau.

    Le chevalier explora les forêts les plus sauvages, les montagnes les plus hautes, les abysses les plus profondes, les cavernes les plus humides, les déserts les plus secs. Et toujours ce même gris, plus ou moins clair, plus ou moins sombre. Et pendant maintes et maintes années, il explora, toujours sans succès. Et bientôt, plus aucun recoin de ce monde, qui portait tristement son terne fardeau ,n'eût de secret pour le chevalier. Mais toujours aucune trace de couleur.

    Au crépuscule de sa vie, las de chercher, le chevalier s'adossa à un arbre pluriséculaire, pour passer la nuit. Il allumât un feu, et se réchauffa prêt des braises grisonnantes. Et alors que le sommeil le gagnait lentement, une voix l'éveilla en sursaut:
     _Chevalier, puis-je profiter de vôtre âtre rougeoyante pour réchauffer un instant mes mains bleuies par le froid ?
    Le chevalier écarquillât ses yeux, ouvrit sa bouche comme pour parler, mais aucun mot n'en sortit. Son interlocutrice était une jeune femme, toute de blanc vêtue, au teint clair et aux cheveux noirs. Il en émanait une grâce et une bienfaisance que le chevalier n'avait jamais ressentit de part le monde. Et elle souriait. Toujours bouche bée, le chevalier l'invita de la main à prendre place. Ils se fixaient dans les yeux sans mot dire depuis un moment lorsque la jeune femme brisa le silence:
    _Vous avez de magnifiques yeux verts, Chevalier.
    Et cette fois le chevalier parla:
    _ Mais, vous voyez des couleurs ?
    La jeune femme acquiesça en souriant.
    _Mais qui êtes vous ? demanda le chevalier, stupéfait.
    _Cette question n'a aucune importance pour votre quête, répondit, en s'en amusant, la jeune femme.
    _Mais comment avez vous fait ?
    _Ce n'est toujours pas la bonne question mon ami.
    _Mais quelle est la bonne question ?
    _Voulez vous voir les couleurs ?
    Incrédule, le chevalier se demanda s'il n'était pas entrain de rêver, avant de simplement répondre:
    _Oui.
    _Fermez vos yeux, Chevalier.
    Et, après que le chevalier se soit exécuté, elle saisit sa main, et déposa un baiser sur ses lèvres, avant de lui murmurer à l'oreille:
    _Mon ami, les couleurs ont déserté ce monde, lassées de la froideur de ses habitants. Et elles se sont réfugiées dans le seul endroit où ces froids habitants ne songeraient jamais à les chercher. Au plus profond de leur propre coeur. Maintenant, ressentez mon amour pour une personne qui à consacré sa vie entière à rechercher l'émerveillement. Et tant qu'il vous restera un peu de force, dépensez les à faire pour quelqu'un ce que j'ai fais pour vous.
    Et la jeune femme disparut. Et lorsqu'il ouvrit les yeux, en souriant, le chevalier vit le monde en couleur. Il reprit alors sa route dans ce monde qui portait tristement son terne fardeau en brandissant fièrement son étendard d'espoir..

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  • Commentaires

    1
    petite philo
    Mardi 26 Juin 2007 à 16:23
    celui la il est tout joli
    celui la il est tout joli...
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